18/08/2019

"On peut aisément pardonner à l'enfant qui a peur de l'obscurité; la vraie tragédie de la vie, c'est lorsque les hommes ont peur de la lumière." - Platon


Un jour une jeune libraire découvre « Terreur » de Dan Simmons et se dit que ouais, décidément, c’est un auteur pour elle. Elle décide donc de se procurer ce que beaucoup considèrent comme sa meilleure réussite. Oui mais voilà, ladite œuvre est dense. Très dense. La jeune libraire se dégonfle, le met de côté, elle verra pour plus tard, de toute façon des livres elle en a trop à lire et n’a pas de temps à perdre avec un bouquin qui se vend très bien tout seul et qu’elle pourrait mettre des semaines à finir.

Puis, des années plus tard (libraire elle ne l’est plus) alors qu’elle part en vacances pendant 15 jours, elle décide de l’emmener avec elle, c’est bien comme ça pas besoin de se promener avec 4 livres, elle n’en prend qu’un seul.

Pour finalement se retrouver bien con. Parce que vous savez quoi ? J’ai lu cette frappe littératomique en même pas 10 jours.

Ouais, du coup je me suis retrouvée au bord de la piscine sans rien avoir à lire, à ruminer sur ma débilité et la claque que je venais de prendre.

Projecteur sur :
Éditeur : France Loisirs
Pages : 1304
Parution : 2012

Résumé :
Ils ont le Talent. Ils ont la capacité de pénétrer mentalement dans notre esprit pour nous transformer en marionnettes au service de leurs perversions et de leur appétit de pouvoir. Ils tirent les icelles de l’Histoire. Sans eux le nazisme n’aurait peut-être pas été cette monstruosité dont nous avons du mal à nous remettre, les fanatismes de tous ordres ne se réveilleraient pas de façons aussi systématique et nombre de flambées de violence, tueries, accidents inexpliqués, n’auraient peut-être pas ensanglanté notre époque. Car ils se livrent aussi entre eux, par « pions » interposés, à une guerre sans merci. A qui appartiendra l’omnipotence ? Sans doute à celui qui aura le plus soif de pouvoir.

Déjà avec « Terreur » j’étais au top question frissons qui remontent le long de la colonne vertébrale, avec la sensation que quelqu’un dans l’ombre épaisse m’observait. Alors là, avec cette œuvre monumentale, le top est loin derrière, et moi j’ai ressenti un malaise toujours croissant, de plus en plus persuadée que j’avais foutu les patounes dans un putain de piège tendu par un auteur qui, bordel, sait ce qu’il fait !

Ah oui, on la sent la puissance du style, de l’Histoire et de toute l’intelligence dont Simmons a fait preuve pour mettre en forme et nous présenter, tel un caviar empoisonné sur un plateau d’argent poli, cette histoire monstrueuse, peuplée de monstres bien humains tournant autour de la part de notre histoire la plus moche : celle de l’extermination des Juifs. Peut-être que c’est pour ça qu’on ressent si bien toute la monstruosité qu’il a voulu dénoncer, ça se passe toujours dans le réel. C’est du fantastique pur et dur, comme « Terreur ». Ce monde est le nôtre, cette Histoire est la nôtre. Du coup, cette monstruosité nous paraît plus terrible encore, et qu’il ait décidé de porter toute la culpabilité sur des enfoirés pas tout à fait humains n’atténue en rien la honte.

En commençant ce bouquin, j’ai immédiatement compris que je sautais à pieds joints dans une malveillance étouffante, poisseuse, qui m’a plusieurs fois empêchée de respirer, et pour cause, il nous met tout de suite dans le bain, dès l’ouverture : nous sommes en 1942 à Chelmno, camp d’extermination au cœur de la Pologne, où les nazis s’en donnent à cœur joie avec les fours crématoires et les expériences. Saul Laski est un survivant qui a vu sa famille se faire décimer et qui attend la mort mais non sans perdre sa dignité, car lorsque des officiers allemands, menés par un certain « Oberst », viennent sélectionner des victimes totalement au hasard, il décide de résister. Tout, plutôt que de se faire sagement fusiller ! Sauf qu’il ignore que ce fameux Oberst n’est pas un humain comme les autres, jusqu’à ce qu’il se rende compte qu’il perd totalement le contrôle de son corps et de sa volonté, car quelque chose, ou quelqu’un, s’est invité de force dans son esprit

Dès le début, dès le prologue, Dan Simmons nous livre l’étendue de son propre talent grâce à un coup de maître génialissime : lier, à la perfection, fantastique et faits historiques réels. Et il en sera comme ça tout du long ! J’ai été chaque fois bluffée par la facilité apparente avec laquelle il parvient à mêler ces deux genres pourtant bien distincts. Mais comment il a fait ça putain ? J’ose même pas imaginer le travail titanesque de recherche et de (ré)écriture que ça lui a demandé (et quand j’essaye d’imaginer ça me file mal au crâne).

L’histoire continue presque 40 ans plus tard, aux États-Unis. Deux vieilles dames, Mélanie Fuller et Nina Drayton, et un vieux monsieur, Willi Borden, se sont réunis pour un jeu dont eux seuls connaissent les règles, mais ça dégénère et près d’une dizaine de cadavres seront le résultat de cette entrevue. Le shérif Bobby Joe Gentry devra résoudre cette énigme, mais il est totalement largué et l’agent du FBI Haines ne semble pas pouvoir lui apporter les éclaircissements qu’il espérait, et voilà-t’y pas qu’un certain Saul Laski, psychiatre, se pointe comme un cheveu sur la soupe pour lui apporter son aide. Sans oublier la jeune Natalie Preston, bien décidé à découvrir qui a tué son père, l’une des dix victimes inexpliquées…

Arrivée à ce stade, je commençais à me dire que cette enquête sentait le moisi et que tout était beaucoup plus complexe qu’un simple thriller, aussi malade soit-il. Et j’avais raison. On est carrément dans de la manipulation de masse, de la corruption à l’échelle planétaire, tout ça à cause de gens totalement dingues doués d’un Talent que personne ne comprend, une vraie galerie de monstres, des chasseurs assoiffés qui resteront toujours dans l’ombre à regarder leurs victimes d’entretuer. « L’échiquier du mal » est un titre vraiment parfait, car on est dans le mal pur, dur, terrible. Aucun des mécanismes de la méchanceté ne nous sont épargnés et l’auteur n’a pas hésité à nous le prouver en multipliant les scènes malaisantes sans mâcher ses mots qui m’ont donné envie de hurler d’indignation et d’étrangler moi-même certains personnages. Mention spéciale ici à Tony Harod, producteurs de films sans scrupules ni états d’âme que j’ai envie de torturer même encore maintenant alors que j’ai fini le bouquin !

C’est aussi ça que Dan Simmons a parfaitement réussi : il nous familiarise avec ses personnages avec une telle facilité que ça en devient surprenant. Il nous les rend détestables et/ou attachants, parfois même carrément haïssables. Jamais de simples personnages de roman ne m’ont paru si réels, si vivants. Ils sont parfaitement maîtrisés, développés. Les morts, en majorité très choquantes, le sont elles aussi (ouais, ça meurt beaucoup je préfère vous le dire !) et que dire de la construction du récit lui-même ?

Chaque chapitre est centré sur un personnage, un lieu, un événement. Et même si ça finit toujours par se regrouper à un moment donné pour mieux s’éloigner par la suite, on est jamais perdu, ni dans le temps ni dans l’instant. Tout est parfaitement fluide, maîtrisé, et l’intensité ne disparaît jamais, comme si tout ce roman n’était qu’un fil à la tension extrême prêt à lâcher à tout moment.


Vous voulez que je vous dise honnêtement ? Je suis fière de moi d’avoir été au bout de ce livre. Parce que parfois je vous jure que c’était vraiment malaisant. Lire ça au bord de la piscine en plein soleil et non pas le soir alors qu’il fait nuit avant d’aller me coucher, a été l’une de mes meilleures idées.

Putain, je viens de me retourner pour voir s’il n’y avait personne derrière moi, sans déconner ! Nan mais je suis débile aussi d’écrire cette chronique en pleine nuit, alors qu’il pleut


8 commentaires:

  1. Coucou ma Gaby !!

    L'Echiquier du mal est dans ma PAL ; quand je l'ai trouvé, j'avais hyper hâte de le lire, mais la taiiiiiiiiiille !! Je me suis laissée impressionner xD
    Du coup, ton avis me donne bien envie de me jeter dessus ; sauf qu'il est quelque part, dans un carton, à attendre le déménagement xD quand je le retrouve, je le place dans ma PAL prioritaire !!

    Je te fais de gros bisous ma Gaby, et je te souhaite de belles lectures à venir ! <3

    P.S. : je n'ai encore jamais lu Dan Simmons, mais pas mal de ses titres m'intéressent !

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    1. Idem, ce bouquin m'a fait peur XD
      Et figure-toi qu'en le lisant je me disais souvent que c'était un livre pour toi :P

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    2. Ouh, tu me donnes encore plus envie de le lire !!

      J'ai enfin lu le tome 2 de The Expanse et j'ai ADORE !!!! Merci encore de me l'avoir conseillé !! <3

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    3. Oh oui j'ai vu que tu l'avais aimé, et rien ne saurait me faire plus plaisir :3

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    4. Je vais bientôt lire le tome 3 du coup !! :D

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  2. Je sens l'angoisse monter rien qu'à lire ton billet, alors je crois que ce bouquin n'est pas pour moi :lol:
    Y'avait pas de librairie près de ta piscine?

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    1. Effectivement là par contre c'est peut-être pas une lecture pour toi, je le confirme XD
      Pas de librairie :( Mais au bout d'un moment on a pu trouver un centre commercial où j'ai acheté les tomes 3 et 4 de "My Home Hero" donc en vrai je suis pas vraiment restée totalement sans rien à lire, j'ai un peu menti, pour l'exagération :P

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    2. Ouf, heureusement qu'il y avait un centre commercial, 1/3 des vacances sans lire, ç'aurait été long ^^

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