Un jour une jeune libraire découvre « Terreur » de
Dan Simmons et se dit que ouais, décidément, c’est un auteur pour elle. Elle
décide donc de se procurer ce que beaucoup considèrent comme sa meilleure
réussite. Oui mais voilà, ladite œuvre est dense. Très dense. La jeune
libraire se dégonfle, le met de côté, elle verra pour plus tard, de toute façon
des livres elle en a trop à lire et n’a pas de temps à perdre avec un bouquin
qui se vend très bien tout seul et qu’elle pourrait mettre des semaines
à finir.
Puis, des années plus tard (libraire elle ne l’est plus) alors
qu’elle part en vacances pendant 15 jours, elle décide de l’emmener avec elle,
c’est bien comme ça pas besoin de se promener avec 4 livres, elle n’en prend
qu’un seul.
Pour finalement se retrouver bien con. Parce que vous savez
quoi ? J’ai lu cette frappe littératomique en même pas 10 jours.
Ouais, du coup je me suis retrouvée au bord de la piscine sans rien
avoir à lire, à ruminer sur ma débilité et la claque que je venais de
prendre.
Projecteur sur :
Pages : 1304
Parution : 2012
Résumé :
Ils ont le Talent. Ils ont la capacité de pénétrer mentalement dans
notre esprit pour nous transformer en marionnettes au service de leurs
perversions et de leur appétit de pouvoir. Ils tirent les icelles de l’Histoire.
Sans eux le nazisme n’aurait peut-être pas été cette monstruosité dont nous
avons du mal à nous remettre, les fanatismes de tous ordres ne se
réveilleraient pas de façons aussi systématique et nombre de flambées de
violence, tueries, accidents inexpliqués, n’auraient peut-être pas ensanglanté
notre époque. Car ils se livrent aussi entre eux, par « pions »
interposés, à une guerre sans merci. A qui appartiendra l’omnipotence ?
Sans doute à celui qui aura le plus soif de pouvoir.
Déjà avec « Terreur » j’étais au top question frissons
qui remontent le long de la colonne vertébrale, avec la sensation que quelqu’un
dans l’ombre épaisse m’observait. Alors là, avec cette œuvre monumentale, le
top est loin derrière, et moi j’ai ressenti un malaise toujours
croissant, de plus en plus persuadée que j’avais foutu les patounes dans un
putain de piège tendu par un auteur qui, bordel, sait ce qu’il
fait !
Ah oui, on la sent la puissance du style, de l’Histoire et de
toute l’intelligence dont Simmons a fait preuve pour mettre en forme et nous
présenter, tel un caviar empoisonné sur un plateau d’argent poli, cette
histoire monstrueuse, peuplée de monstres bien humains tournant autour
de la part de notre histoire la plus moche : celle de l’extermination des
Juifs. Peut-être que c’est pour ça qu’on ressent si bien toute la monstruosité
qu’il a voulu dénoncer, ça se passe toujours dans le réel. C’est du fantastique
pur et dur, comme « Terreur ». Ce monde est le nôtre, cette Histoire
est la nôtre. Du coup, cette monstruosité nous paraît plus terrible encore, et
qu’il ait décidé de porter toute la culpabilité sur des enfoirés pas tout à
fait humains n’atténue en rien la honte.
En commençant ce bouquin, j’ai immédiatement compris que je sautais à
pieds joints dans une malveillance étouffante, poisseuse, qui m’a
plusieurs fois empêchée de respirer, et pour cause, il nous met tout de suite
dans le bain, dès l’ouverture : nous sommes en 1942 à Chelmno, camp
d’extermination au cœur de la Pologne, où les nazis s’en donnent à cœur joie
avec les fours crématoires et les expériences. Saul Laski est un
survivant qui a vu sa famille se faire décimer et qui attend la mort mais non
sans perdre sa dignité, car lorsque des officiers allemands, menés par un
certain « Oberst », viennent sélectionner des victimes
totalement au hasard, il décide de résister. Tout, plutôt que de se faire
sagement fusiller ! Sauf qu’il ignore que ce fameux Oberst n’est pas un
humain comme les autres, jusqu’à ce qu’il se rende compte qu’il perd totalement
le contrôle de son corps et de sa volonté, car quelque chose, ou quelqu’un,
s’est invité de force dans son esprit…
Dès le début, dès le prologue, Dan Simmons nous livre l’étendue de
son propre talent grâce à un coup de maître génialissime : lier, à
la perfection, fantastique et faits historiques réels. Et
il en sera comme ça tout du long ! J’ai été chaque fois bluffée par la
facilité apparente avec laquelle il parvient à mêler ces deux genres pourtant
bien distincts. Mais comment il a fait ça putain ? J’ose même pas imaginer
le travail titanesque de recherche et de (ré)écriture que ça lui a
demandé (et quand j’essaye d’imaginer ça me file mal au crâne).
L’histoire continue presque 40 ans plus tard, aux États-Unis.
Deux vieilles dames, Mélanie Fuller et Nina Drayton, et un vieux
monsieur, Willi Borden, se sont réunis pour un jeu dont eux seuls
connaissent les règles, mais ça dégénère et près d’une dizaine de cadavres
seront le résultat de cette entrevue. Le shérif Bobby Joe Gentry devra
résoudre cette énigme, mais il est totalement largué et l’agent du FBI Haines
ne semble pas pouvoir lui apporter les éclaircissements qu’il espérait, et
voilà-t’y pas qu’un certain Saul Laski, psychiatre, se pointe comme un
cheveu sur la soupe pour lui apporter son aide. Sans oublier la jeune Natalie
Preston, bien décidé à découvrir qui a tué son père, l’une des dix victimes
inexpliquées…
Arrivée à ce stade, je commençais à me dire que cette enquête sentait
le moisi et que tout était beaucoup plus complexe qu’un simple thriller,
aussi malade soit-il. Et j’avais raison. On est carrément dans de la manipulation
de masse, de la corruption à l’échelle planétaire, tout ça à cause de
gens totalement dingues doués d’un Talent que personne ne comprend, une vraie
galerie de monstres, des chasseurs assoiffés qui resteront toujours dans
l’ombre à regarder leurs victimes d’entretuer. « L’échiquier du
mal » est un titre vraiment parfait, car on est dans le mal pur,
dur, terrible. Aucun des mécanismes de la méchanceté ne nous sont
épargnés et l’auteur n’a pas hésité à nous le prouver en multipliant les scènes
malaisantes sans mâcher ses mots qui m’ont donné envie de hurler
d’indignation et d’étrangler moi-même certains personnages. Mention spéciale
ici à Tony Harod, producteurs de films sans scrupules ni états
d’âme que j’ai envie de torturer même encore maintenant alors que j’ai fini le
bouquin !
C’est aussi ça que Dan Simmons a parfaitement réussi : il nous
familiarise avec ses personnages avec une telle facilité que ça en devient
surprenant. Il nous les rend détestables et/ou attachants,
parfois même carrément haïssables. Jamais de simples personnages de
roman ne m’ont paru si réels, si vivants. Ils sont parfaitement
maîtrisés, développés. Les morts, en majorité très choquantes, le sont elles
aussi (ouais, ça meurt beaucoup je préfère vous le dire !) et que dire de
la construction du récit lui-même ?
Chaque chapitre est centré sur un personnage, un lieu, un événement.
Et même si ça finit toujours par se regrouper à un moment donné pour mieux
s’éloigner par la suite, on est jamais perdu, ni dans le temps ni dans
l’instant. Tout est parfaitement fluide, maîtrisé, et l’intensité
ne disparaît jamais, comme si tout ce roman n’était qu’un fil à la tension
extrême prêt à lâcher à tout moment.
Vous voulez que je vous dise honnêtement ? Je suis fière
de moi d’avoir été au bout de ce livre. Parce que parfois je vous jure que
c’était vraiment malaisant. Lire ça au bord de la piscine en plein soleil et
non pas le soir alors qu’il fait nuit avant d’aller me coucher, a été l’une de
mes meilleures idées.
Putain, je viens de me retourner pour voir s’il n’y avait
personne derrière moi, sans déconner ! Nan mais je suis débile
aussi d’écrire cette chronique en pleine nuit, alors qu’il pleut…
Coucou ma Gaby !!
RépondreSupprimerL'Echiquier du mal est dans ma PAL ; quand je l'ai trouvé, j'avais hyper hâte de le lire, mais la taiiiiiiiiiille !! Je me suis laissée impressionner xD
Du coup, ton avis me donne bien envie de me jeter dessus ; sauf qu'il est quelque part, dans un carton, à attendre le déménagement xD quand je le retrouve, je le place dans ma PAL prioritaire !!
Je te fais de gros bisous ma Gaby, et je te souhaite de belles lectures à venir ! <3
P.S. : je n'ai encore jamais lu Dan Simmons, mais pas mal de ses titres m'intéressent !
Idem, ce bouquin m'a fait peur XD
SupprimerEt figure-toi qu'en le lisant je me disais souvent que c'était un livre pour toi :P
Ouh, tu me donnes encore plus envie de le lire !!
SupprimerJ'ai enfin lu le tome 2 de The Expanse et j'ai ADORE !!!! Merci encore de me l'avoir conseillé !! <3
Oh oui j'ai vu que tu l'avais aimé, et rien ne saurait me faire plus plaisir :3
SupprimerJe vais bientôt lire le tome 3 du coup !! :D
SupprimerJe sens l'angoisse monter rien qu'à lire ton billet, alors je crois que ce bouquin n'est pas pour moi :lol:
RépondreSupprimerY'avait pas de librairie près de ta piscine?
Effectivement là par contre c'est peut-être pas une lecture pour toi, je le confirme XD
SupprimerPas de librairie :( Mais au bout d'un moment on a pu trouver un centre commercial où j'ai acheté les tomes 3 et 4 de "My Home Hero" donc en vrai je suis pas vraiment restée totalement sans rien à lire, j'ai un peu menti, pour l'exagération :P
Ouf, heureusement qu'il y avait un centre commercial, 1/3 des vacances sans lire, ç'aurait été long ^^
Supprimer