Bordel, je viens de me rendre compte que les chroniques de S-F étaient si rares ici qu'elles se comptaient sur les doigts d'une main !
En plus je triche, celle de The Expanse je la met à jour dès que je lis un bouquin… une chronique pour 6 livres lus, nan mais tu parles d'une feinéasse.
Assez parlé, place à l'action !
Éditeur :
Pocket
Parution :
2016
Pages :
704
Résumé :
2202. Né des cendres d’une conflagration
planétaire, l’Empire Chrétien Moderne règne sur une Terre ravagée et irradiée.
Urbain IX, pape tout puissant, contraint les populations à vivre selon un mode
de vie médiéval, restaurant ainsi le Dominium Mundi. Sous son impulsion, un
vaisseau colonisateur est envoyé vers Alpha du Centaure, dans l’espoir d’y
trouver de nouveaux territoires pour l’humanité. Lorsque les passagers abordent
une planète et son peuple, les Atamides, le choc est grand. Mais ce n’est rien
en comparaison d’une découverte encore plus bouleversante : le véritable
tombeau du Christ ! Guidés par leur foi inébranlable, les missionnaires tentent
de s’en emparer, en vain. Les indigènes les massacrent. Sur Terre, la nouvelle
se répand comme une traînée de poudre. Deux ans plus tard Urbain IX achève
d’armer un gigantesque vaisseau, le St-Michel, capable d’abriter un million
d’hommes. Pour Tancrède de Tarente, le Méta-guerrier héros des champs de
bataille, et Albéric Villejust, le génie de l’Infocosme enrôlé de force,
débutera une Croisade sanglante vers une nouvelle Jérusalem… Les événements
feront-ils bégayer l’Histoire ?
Même si ce roman est très clairement un space
opera dans le genre de la S-F l’auteur s’amuse à flirter avec le genre chevaleresque
du Moyen-Âge, et c’est bon ! Par de nombreux aspects il m’a rappelé la
saga des Rois Maudits de Druon, il y a comme un désir de revanche dans ce texte
face à l’idéologie parfois extrémiste de la région (au sens large j’entends,
pas seulement la chrétienté même si c’est d’elle dont il est question ici)
Rien que le mot de « Dominium Mundi »
par exemple, est un concept qui remonte au Moyen-Âge, en gros c’est l’extension
du monde chrétien sur le modèle de l’empire romain, sauf que là l’extension
elle se fait carrément dans l’espace et même hors du système solaire. L’auteur
a admirablement bien mêlé les deux genres (trois même parfois je dirai, mais je
vais y revenir) : l’historique et la S-F.
Le pouvoir du Vatican est tout puissant en ce
début de XXIIIè siècle, même si les détails sont minimes dans le texte et
livrés par petites touches on devine qu’il contrôle la presque totalité du
globe. Les quelques poches de résistances disséminées par-ci par-là sur la
planète se font littéralement pourchasser, harceler et broyer par les soldats
surentraînés de l’Église, comparables aux Croisés de l’époque Moyen-Âgeuse.
Ce sont justement ces soldats qui vont être
envoyés sur Akya, l’une des premières planètes à avoir fait les frais du
Dominium Mundi. D’accord, le pape Tout-Puissant entend bien propager la bonne
parole de Dieu dans toute la galaxie (un peu ouf le gars, non ?) mais il n’avait
pas pensé une seule seconde rencontrer de la résistance (c’est le propre des
gens trop sûrs d’eux). Les habitants d’Akya, appelés les Atamides, ne se sont pas
laissés faire et les rapports disent tous que toute la colonie envoyée sur la
planète a été littéralement décimée. Si le Pape insiste pour prendre le
contrôle de ce gros caillou lointain à première vue inhabitable (je vous jure,
y’a plus accueillant comme endroit !) c’est tout simplement parce que les colons,
avant de se faire écrabouiller, ont eu le temps d’envoyer des images pour le
moins troublantes : le tombeau du Christ. Sur une planète à des
années-lumières de la Terre. Rien que ça.
L’idée en elle-même est juste géniale, et il se
trouve que les croisades sont l’une des parties de notre Histoire que je
préfère, alors coupler ça à de la S-F, qui est un style que j’adore, j’ai sauté
dessus.
J’avais qu’une envie : que les Croisés
débarquent sur Akya, trouvent le tombeau, et que tout explose. Ah bah oui,
comment voulez-vous que les croyances persistent après ce genre de découverte ?
Bon en vrai l’auteur a trouvé la combine, et ça relève limite du génie, mais j’avais
justement envie de voir comme il allait se débrouiller avec tout ça.
Et ça c’est pas du tout passé comme je m’y
attendais. Parce que ce livre en fait ce n’est que le premier tome et toute l’intrigue
se passe à bord du Saint-Michel, merveille de technologie, vaisseau immense
dont la mission est d’emmener un millier de soldats pour répandre la bonne
parole de Christ (entendez par là : le sang et la mort bien sûr, comme
quoi les choses ne changent jamais vraiment même à 1000 ans d’intervalle)
Au début je voyais pas trop où l’auteur voulait en
venir alors que le cœur de l’histoire semble être, de par le résumé surtout, la
rencontre entre les soldats de la chrétienté et les Atamides. Et c’est là que j’en
viens au troisième genre de ce roman : la politique fiction. À travers les
yeux de personnages à la psychologie complexe et bouleversée par la situation l’auteur
va mettre à mal ce qui nous semblait à nous lecteur être une puissance stable
et sûre : l’Église elle-même.
Au cours de ce voyage à travers les étoiles les
personnages centraux : Tancrède de Tarente, l’un des soldats les plus
fameux de cette croisade, Méta-Guerrier aux réflexes surhumains, et Albéric
Villejust (pour qui j’ai eu un petit faible), enrôlé de force et pas très
fervent croyant, vont se retrouver à mener des enquêtes pour tenter de déterrer
un complot. Tancrède étant un soldat, il va devoir lutter contre sa propre
rigidité d’esprit (il a suivi un entraînement inhumain et a donc été très
violemment conditionné) et en ça il m’a beaucoup touchée même si je l’ai trouvé
un peu caricatural malgré moi. Surtout vers la fin, j’avoue, suite à sa
rencontre avec un personnage féminin… OK, de la romance n’était pas de trop
dans ce récit complexe parce que ça m’a fait respirer un peu c’était une bonne
idée, mais l’auteur a utilisé beaucoup trop de clichée pour ça. À croire qu’il
a rajouté ça à la dernière minute. Bon, je suis pas très bon public en ce qui
concerne la romance à la base, c’est vrai. En plus la nana je l’ai pas aimée.
Bref ! Pourquoi, malgré cette légère
déception, alors que je voulais tant voir la rencontre entre humains et
Atamides, j’ai tant aimé ce roman ? Parce que l’intrigue secondaire, c’est
du polar, de l’enquête, et un putain de bon suspens dont les révélations, les
rebondissements et les questionnements sont distillés au fur et à mesure avec
beaucoup de brio. Que se passe-t-il exactement ?
Ça tue sur le Saint-Michel, et de façon plutôt
violente. Meurtre horrible, disparitions discrètes qui personne ne remarque,
manipulation de l’information, tout ça contribue à éveiller les soupçons chez
Tancrède, et ça nous amène à comprendre que malgré sa droiture et sa foi
évidente, il n’en est pas pour autant aveuglé, c’est un être humain qui réfléchit.
Il est plein de questionnement, de doutes et a une grande soif de comprendre. J’aime
beaucoup son état d’esprit, son caractère et sa droiture également. Un conflit
moral va évidemment très vite le torturer et ça l’a rendu encore plus
intéressant.
Mais j’ai quand même préféré Albéric, parce qu’il
évolue d’une façon qui me plait d’avantage. Tancrède change, évolue énormément
lui aussi, mais il passe d’un personnage relativement sûr de lui, fort, à
quelqu’un de bien trop déboussolé, perdu sur la fin, qui va préférer la solution
de facilité pour apaiser son esprit. Albéric, à l’inverse (et ces deux
personnages diamétralement opposés ont une super dynamique ensemble !) passe
de quelqu’un de timide et effacé à quelqu’un de combatif qui n’hésite plus à
prendre des décisions.
Autour d’eux gravitent des personnages secondaires
géniaux, comme les frères Tournai dont j’ai aimé les joutes verbales, sans
compter qu’ils sont comme le jour et la nuit eux aussi, et Vivianne, l’un des
seuls personnages féminins qui en vaut la peine. Les antagonistes aussi valent
le détour, notamment Robert de Montgomery que j’ai bien aimé pour son côté
pitoyable autant que dangereux.
La chose dont j’avais un peu peur honnêtement, vu
le sujet, le genre et la longueur du bouquin, c’est que l’auteur en ait fait
des caisses avec les descriptions (c’est une erreur que j’ai pas pu m’empêcher
de remarquer chez les auteurs de fantasy et S-F d’aujourd’hui) fort
heureusement le bonhomme, scénariste pour les films, les BD et les jeux vidéo,
connait bien son boulot. Il nous donne finalement peu de détails, en tout cas c’est
juste ce qu’il faut pour nous donner de bonnes premières directives et nous
permettre d’imaginer le reste tout seul comme des grands. Il ne nous prend
clairement pas pour des bébés à qui il doit tenir la main.
Vous me connaissez, j’accorde beaucoup d’importance
à la fin. Et là, je n’ai qu’une chose à dire :
Putain, l’enfoiré !
Il m’a laissé là, à la dernière page, comme une
abrutie ! Après des mois de voyage interstellaire passé dans le
Saint-Michel à regarder Tancrède être déchiré entre sa foi chrétienne et ses
certitudes, et Albéric cherchant la vérité et se révoltant contre la condition de
tous ceux qui, comme lui, furent contraint par la force de participer à cette
croisade, je me retrouve comme une imbécile qui comprend parfaitement qu’elle a
été super bien bernée.
Parce que l’histoire s’arrête pile au moment où
les croisés débarquent enfin sur Akya.
Du coup, vous savez quoi ?
Je vais devoir m’acheter le tome 2, et fissa !
_______________________________
8 mois plus tard...
Et je jure sur notre galaxie, j'avais rien oublié !
Éditeur : Pocket
Parution : 2016
Pages : 960
Résumé :
2205. C’est le débarquement. Les
troupes de l’Empire Chrétien Moderne se déploient dans les plaines arides
d’Akya du Centaure.
À l’arrière, Albéric Villejust
organise la rébellion qui gronde parmi les inermes.
De leur côté, Tancrède de Tarente et
Clorinde ont retrouvé l’amour, une foi inébranlable, et comptent mener à bien
leur mission, au nom du tout-puissant Pape Urbain IX. En tant que
méta-guerriers, la prise de l’ultime tombeau du Christ repose en grande partie
sur leurs épaules.
Mais sous l’implacable soleil
centaurien, rien n’est gravé dans le marbre. Alors que les rebelles se cachent
et s’organisent dans le désert, que les Atamides se révèlent plus dangereux que
prévu, les luttes de pouvoir s'intensifient et des forces nouvelles s’agitent
dans l’ombre. De ces zones obscures dépendront l’avenir d’Akya, des nouveaux
Croisés et, à plus grande échelle, de peuples entiers…
Ah ! Que voilà une aventure que
j’étais ravie de reprendre !
Dans le tome 1, même si j’avais
adoré l’histoire et ce huis-clos géant se déroulant dans cet énorme vaisseau
spatial, j’étais restée quelque peu sur ma faim en tournant la dernière page
tant j’avais hâte de voir les croisés débarquer sur Akya. Faut dire aussi que l’auteur,
dès le début du livre, nous rabâchait sans cesse que c’était l’unique but de
toute cette histoire : les croisades, menées sur une autre planète.
Avec le tome 2, nous y voilà enfin !
Et l’auteur enfonce les clous en défonçant royalement tous les beaux principes
de la chrétienté (si si, ils les défoncent !) en faisant passer tous les
croyants de cette aventure pour des fanatiques religieux ultra-violent et idiots.
Alors. Ça peut paraître négatif dit
comme ça mais ça ne l’est pas. Du moins, pas totalement. Durant ma lecture, j’étais,
je le reconnais, un peu déçue de cette méthode, je me disais que s’il voulait à
ce point mettre à mal les dogmes et l’aveuglement extrême de certaines
religions, il aurait pu le faire de façon plus subtile. Finalement, quelques
jours après avoir terminé ma lecture, j’ai réalisé que ce choix était judicieux
au regard du style narratif et du genre. Oui, d’accord, il dénonce à la façon d’un
homme qui veut vraiment faire passer tous les croyants pour des ignares
aveugles, mais au moins comme ça le message passe, sans compter qu’il ne faut pas
oublier qu’on est avant tout dans un livre de science-fiction et d’aventure. Pour
répondre au mieux aux codes du genre, il faut donc de l’action, de la baston,
des extra-terrestres et tout et tout (attention, je ne dis pas que TOUS les
livres de SF devraient être comme ça, je dis juste qu’il s’agit des codes les
plus connus du genre)
Et croyez-moi que des combats, il va
y en avoir !
D’ailleurs, au début ce n’est que ça :
humains VS Atamides. Une vraie boucherie. Je me demandais où l’auteur voulait
en venir et s’il n’y allait pas un peu fort. Puis j’ai finalement compris vers
quoi il nous menait.
Dans le tome 1, Tancrède de Tarente était
l’un de mes personnages préférés. J’avais beaucoup aimé sa sensibilité malgré
son image d’homme de guerre même s’il m’agaçait un peu parfois à ne pas prendre
clairement de décision. Dans la suite j’ai malheureusement été un peu déçue. Non
pas du personnage lui-même, il est toujours très bien au regard de ce qui lui
arrive, mais à cause de la façon dont l’auteur à déroulé les choses pour lui.
En toute honnêteté, j’ai trouvé que ça manquait d’originalité, et quand c’est
développé dans un tel manichéisme ça a tendance à m’agacer.
Désolée, M’sieur Baranger, mais les
choses ne sont en réalité pas comme vous les décrivez : non, il n’y a pas
le blanc d’un côté et le noir de l’autre ; le bien VS le mal. Parfois,
souvent même d’ailleurs, il y a du gris et un entre deux indécis.
Un peu plus positif maintenant :
Albéric Villejust, le second personnage le plus important de cette histoire, et
celui que j’avais préféré dans le tome 1, reste ici celui que j’aime le plus.
Je l’apprécie même davantage.
Les quelques défauts que je lui
reprochais auparavant ont disparu, il change énormément et devient un homme qui
n’a plus autant peur qu’avant de prendre les décisions. Il s’affirme et j’aime
beaucoup cette nouvelle image de lui, plus téméraire. Son intelligence et sa
sensibilité en font quelqu’un de vraiment à part parmi tous les autres protagonistes.
Pour ce qui est des Atamides, là j’applaudis
franchement l’auteur. Ce peuple extra-terrestre ne ressemble en rien à ce que j’ai
déjà rencontré dans les nombreux livres de SF que j’ai lu jusqu’à présent, il a
fait preuve d’une très grande originalité. J’ai beaucoup aimé découvrir leur
culture, leurs coutumes et même leur particularité biologique (ou biochimique…)
dont je ne peux pas trop parler ici sous peine de spoiler.
Quant au rythme du récit, il était
vraiment en dent de scie. Commencer par tant d’action pour finalement sombrer
dans de lentes et longues descriptions dont certaines étaient ennuyeuses sinon
inutiles était assez mal géré. À la place de tout ça j’aurais apprécié qu’il
nous en dise un peu plus sur la faune et la flore d’Akya par exemple. Même si nous
avons eu un très bel aperçu de ce que pouvait être un « tigre-roche »,
le seul petit moment qui lui est consacré n’a pas étanché ma soif de savoir et
mon indécrottable curiosité.
Pour ce qui est de la fin, je dois
reconnaître qu’à elle toute seule elle rattrape les quelques petits points
négatifs que j’ai relevé. L’auteur a eu une riche idée (quoi qu’un peu tiré par
les cheveux, mais pourquoi pas !) et a su admirablement bien la
développer. Sans compter que je ne m’attendais pas du tout à ce que le
Saint-Michel, le vaisseau qui les a menés de la Terre à Akya, ait à nouveau son
utilité.
Et pour ce qui est de l’histoire d’amour
entre Tancrède et Clorinde, alors ? Bah elle m’a tellement peu intéressée
que j’ai pas grand-chose à en dire, si ce n’est que j’aime plutôt bien comment
ça fini entre eux, voilà !
Bref, du bien, du moins bien et du
très bien pour ce livre, ce qui nous donne un diptyque ma foi fort génial !
Si vous êtes féru de science-fiction qui sort de l’ordinaire tout en restant
sur les rails des codes du genre, ne passez pas à côté !
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