26/05/2020

Vous saviez que l'allergie aux feuilles de fraises ça existait vous ?


C'est ce qui s'appelle prendre un gros coup de pied au cul !

Sans transition :

Éditeur : Le Tripode
Parution : 2013
Pages : 470

Résumé :
Voici l'histoire du dernier des hommes qui parlait la langue des serpents, de sa sœur qui tomba amoureuse d’un ours, de sa mère qui rôtissait compulsivement des élans, de son grand-père qui guerroyait sans jambes, d’une paysanne qui rêvait d’un loup-garou, d’un vieil homme qui chassait les vents, d’une salamandre qui volait dans les airs, d’australopithèques qui élevaient des poux géants, d’un poisson titanesque las de ce monde et de chevaliers teutons épouvantés par tout ce qui précède...


Ces quelques lignes en 4ème de couv nous promettent soit du nawak soit du lourd niveau imaginaire. J’ai une révélation à vous faire : il s’agit là d’un mélange subtil, intelligent et audacieux des deux. Et plus encore, à vrai dire.
Leemet, le narrateur et personnage principal, est celui dont parle le titre : l’homme qui savait la langue des serpents. De base, c’est assez inattendu, mais pour toute personne connaissant un tant soit peu Harry Potter (oui, j’ose évoquer le Fourchelangue) pas aussi déstabilisant qu’il y paraît. Et pourtant, ce Leemet, avec cette capacité qu’il a de discuter avec les vipères royales, n’est en réalité pas le personnage le plus surprenant et loufoque de ce roman indéfinissable, énorme pavé dans la mare littéraire.
Véritable épopée historique qui fait penser aux croisades, fresque chevaleresque, satire religieuse, aventure d’une vie mêlant habilement fantasy, fantastique, romance et gothique, le tout saupoudré d’un humour mordant toujours inattendu qui peut faire rire aux éclats mais auquel se mêle parfois une violence qui fait frémir.

Ce que l’auteur nous propose est unique, plein d’une audace rarement vue. Le début est pourtant relativement calme, presque banal : Leemet est un petit garçon qui assiste à une cérémonie religieuse qui l’ennui et qui préfère s’amuser, comme n’importe quel petit garçon. Mais il grandit et finit par comprendre que la religion n’est pas qu’ennuyeuse quand on ne la comprend pas : elle peut aussi être dangereuse.

Nous voyons tout un monde s’effacer, disparaître petit à petit à travers ses yeux et on se sent aussi impuissant que lui face à la modernité qui chasse le passé sans aucun remord, avec violence, incapable de s'accorder avec les valeurs ancestrales bien plus anciennes qu'elle. L’obscurantisme total évoqué ici, à travers ce monde moderne qui s’installe à la lisière de la forêt où vit Leemet, est effrayant, bien plus effrayant que les hommes de son peuple qui parlent la langue des serpents, que ceux qui possèdent, comme les reptiles, des crochets venimeux, ou encore les ours qui lorgnent après les jeunes filles, ce Sage qui voue un culte sanglant aux génies des bois dont on doute de plus en plus de l’existence…

Oui, au fil du récit c’est un monde toujours plus étrange que nous dévoile l’auteur et pourtant on accepte tout ce qu’il dévoile sans protester. C’est incongru ? Oui, évidemment, mais c’est amené avec un tel art de l’écrit, du conte et de la narration que cela semble s’imbriquer parfaitement dans son univers, le nôtre ; un univers qu’on a l’impression de connaître tant tout est fluide et naturel, mais qu’on découvre pourtant totalement. Après 400 pages, on en découvre encore et on n’a pas fini d’être surpris.

Les hommes de la forêt parlent aux serpents ? D’accord, dis-nous-en plus. Ils traient des louves et se nourrissent de leur lait grâce à cette langue qui fait obéir la majorité des animaux, sauf les hérissons et les fourmis qui en sont sourd ? Si tu le dis ! Allez, j’en veux encore. Les ours parlent, eux aussi, cette fameuse langue, et aiment séduire les femmes, toujours attendries par ces énormes plantigrades énamourés ? Je veux bien ! Qu’est-ce que t’as d’autre à me proposer ? Une créature qui vit au fond de l’océan et n’en remonte que tous les 1000 ans pour reprendre sa respiration ? Des anthropopithèques qui élèvent des poux, dont un de la taille d’un cheval ? Un sorcier qui capture les vents dans des sacs ? Une salamandre géante qui dort sous terre ?

Au bout d’un moment, j’en voulais juste plus, j’en voulais encore.

L’auteur semble nous nourrir de son imaginaire foisonnant mais il n’en oublie pas de garder un pied dans la réalité. Car, comme je le disais, la modernité chasse le passé à coup d’épées, d’aveuglement religieux et petit à petit l’imaginaire disparaît, la magie aussi, remplacés par la sanglante réalité d’un monde obscur, plongé dans les ténèbres de l’ignorance en étant pourtant persuadé de tout savoir grâce à un dieu de cruelle bonté : Jésus.
Si aucune date précise ne nous est donnée on peut donc quand même situer cette histoire au début de l’époque médiévale. On en arrive même à penser que, peut-être, tout ceci a réellement existé tant le talent de l’auteur est grand (et celui du traducteur aussi, qui a su rendre toute la puissance narrative de ce conte éternel !)
Il est difficile de parler d’une œuvre comme celle-ci. J’ai lu une admirable chronique que je vous partage ici.
Je ne me sens pas vraiment de taille à détailler une telle histoire. Sachez simplement qu’il est question de Leemet, l’homme qui savait la langue des serpents, qu’il est plein de courage, de détermination. Pourtant, tout ce qu’il entreprend pour tenter de sauver son monde qui s’efface paraît impossible, comme s’il tentait d’attraper la fumée du passé avec ses mains.

L’auteur fait désormais partie des meilleurs de mon répertoire de livres lus, et je lirai les autres titres de sa bibliographie sans hésiter.

Petit clin d'oeil à une amie qui a réussi à en parler mieux que moi : l'ours bibliophile !

20/05/2020

Un jour, moi aussi quand j'aurais passé une nuit de merde je buterai quelqu'un.


C’est dans des moments comme ça que j’ai envie de dire : merci confinement ! Je vais pas pousser le vice jusqu’à dire « merci COVIDou » quand même mais bon, par extension…
Ouais, y’a mieux comme entrée en matière.
Allez, je me fous 2 claques et je me lance :

Éditeur : L’Homme sans nom
Pages : 350
Parution : 2018

Résumé :
Après avoir avoué à sa femme qu'il avait toujours détesté le thé, Ambroise Perrin se défenestre sous les yeux médusés des personnes présentes. Dans un palace vénitien, Louise Duval se réveille d'une soirée de gala et découvre que sept de ses collègues sont morts au même moment dans leur lit de cause inexpliquées. Rien ne lie ces deux affaires, si ce n'est leur mystère. C'est assez pour intéresser Evariste Fauconnier, enquêteur émérite spécialisé dans les affaires que personne ne peut résoudre. Entre crimes en série et esprits diaboliques, le fin limier va devoir dénouer les fils d'une gigantesque toile qui risque bien d'avaler son âme autant que sa raison. Car l’araignée a souvent le dessus sur le papillon.

J’ai reçu ce bouquin gratis lors d’une opération spéciale confinement, ce qui explique l’intro qui pue du cul, où un site, en partenariat avec plusieurs éditeurs, distribuait un livre par jour. Celui-ci fut l’un d’eux. Et quelle découverte !
Pour être tout à fait honnête il ne vaut pas un bon thriller de Karine Giebel, qui maîtrise la tension à la perfection et a l’art de nous faire aimer des personnages à la noirceur insondable, ni même un Robert Galbraith, qui a ce talent inimitable pour nous mener à la baguette avec ses scénarios bien huilés où chaque élément et chaque indice trouve sa place. En fait, ce qui a sorti ce livre du lot, c’est le style de l’auteure.
En un mot : unique.
Les deux personnages, Évariste et Isabeau, que j’ai trouvé dans un premier temps assez cliché malgré moi (beaucoup de ressemblance avec Sherlock Holmes et Watson à mon sens), se sont finalement avérés être très originaux… grâce à l’humour.
L’auteure a un don indéniable pour nous faire rire dans n’importe quel moment grâce aux joutes verbales qu’elle s’amuse à créer entre ces deux gars différents tant sur un point de vue moral, caractériel, que physique. Les conversations entre ces deux hurluberlus sont un délice d’intelligence et de sarcasme mêlés et j’ai ri aux éclats à plusieurs reprises.
Rien que pour ça, ça vaut très franchement le détour !
Quant au reste, l’intrigue policière est nette, précise et propre. Mais peut-être trop propre justement. Elle est classique, l’auteure ne dépassant pas les lignes du genre. Alors oui c’est efficace, chaque indice trouve sa place mais ils tombent tous au moment propice.
Je m’explique : c’est comme si l’auteure avait suivi la recette du « parfait petit livre policier ». Rien à reprocher à la préparation, ni à la cuisson, ni même au goût si ce n’est son manque de prise de risque.
En fait, ça marche très bien, ça se lit très bien, mais j’attendais un petit quelque chose en plus. C’est exactement le genre de livre qu’on lit pour passer du bon temps sans avoir à trop se poser de question et simplement apprécier un moment avec des personnages qui, disons-le franchement, portent tout sur leurs épaules.
Ce n’est pas négatif, loin de là. M’attacher aux personnages est ce que je préfère quand je découvre un livre, qui plus est une série.
Je lierai donc les précédentes aventures d’Évariste et Isabeau avec grand plaisir !

Précédemment :